« J’étais allée les attendre dans la cour de leur maison.
Deux mois qu’on attendait.
Deux mois que je doutais, que je me disais “mais quelle bombe as-tu lancée ? Pourquoi tu es allée leur dire ça ?”
Deux mois auparavant, Lucile avait passé la journée chez moi. C’était la première fois que je m’occupais d’elle sans la présence de ses parents et dans ma maison, un environnement qu’elle connaissait moins que la sienne. Elle avait 14 mois.
Ma sœur, sa mère, ma sœur que j’aime par dessus tout, ma sœur sans qui je ne peux concevoir le Monde, s’étonnait de quelques comportements étranges de la part de sa fille. Forte de ma “grande expérience”, maman de deux filles que j’étais déjà à l’époque, je l’avais rassurée : chaque enfant a son propre rythme, d’accord, Lucile ne prononce pas “papa” ni “maman”, mais au niveau motricité, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas en retard…
Ce jour-là, chez moi, j’ai mis le doigt sur le doute de ma sœur. À midi, le verdict était tombé : on s’est regardé avec mon compagnon, j’ai lu ma phrase dans ses yeux, mais c’est moi qui l’ai prononcée : “Lucile n’entend rien, rien du tout”.
Une bombe. En fait, ma sœur et mon beau-frère n’attendaient que ça. Qu’on leur formule clairement ce qu’ils n’osaient s’avouer. Il faut dire que leur fille, par le truchement d’un sens de l’observation incroyablement développé, a bluffé son petit monde pendant 14 mois.
Même la pédiatre qui, d’une main assurée, a inscrit sur son carnet à la “visite des 9 mois” qu’elle avait une audition parfaite. Celle-là, on la retient.
Même moi qui, forte de l’expérience de ce jour-là, ai passé les deux mois suivants à l’observer et à me dire : “mais non, tout va bien, regarde, j’arrive dans son dos et elle se retourne”…
Le jour des examens hospitaliers, dans la cour de leur maison, je les attendais presque confiante : je m’étais trompée, tout allait bien.
Ils sont arrivés, ma sœur est sortie de leur voiture et… a vomi sur ses plates-bandes. Lucile est sourde. Sourde profonde. Troisième degré.
Un moteur d’avion à côté d’elle, elle ne l’entend pas.
Silence. Total. Silence total. Silence assourdissant. Un silence que nous, “entendants” ne pourrons jamais connaître. J’ai essayé. Avec un casque anti-bruit sur les oreilles dans la nuit de notre calme campagne. J’entends. J’entends mon souffle, mon cœur. Lucile non. Ce monde du silence nous est totalement inconnu.
Lucile est atteinte d’une maladie génétique, un dysfonctionnement dû à un gène récessif très rare dont son père et sa mère sont tous les deux porteurs, sans qu’ils ne le sachent jusqu’à ce diagnostic.
Je me rappelle de l’une des premières paroles de ma sœur : “tu te rends compte, elle n’a jamais entendu ma voix !” Toutes ces histoires que nous lui avions racontées, ces berceuses qu’on lui avait chantées, sa boîte à musique qu’elle aimait pourtant mettre en route (un petit lapin dansait), les “je reviens dans une minute”, les “ma douce ma belle”… Rien. Elle n’a rien entendu de tout ce qu’on lui avait dit ou fait écouter en 16 mois.
Mais elle a vu.
Elle a vu qu’on l’aimait, qu’on s’occupait d’elle. Elle répondait d’un signe de tête affirmatif quand on lui demandait “c’est bon ?”. Elle allait même chercher sa pâte à modeler quand on lui proposait d’y jouer avec elle.
Incroyable.
Aujourd’hui, Lucile a 7 ans. Elle semble être comme tous les autres enfants de 7 ans. Elle va à l’école, elle parle mieux que certains enfants de son âge, elle lit, elle vit. Elle est joyeuse et affectueuse, elle est vive et terriblement belle. Elle a dans le visage cette gravité qui n’appartient qu’à elle.
Mais à quel prix ?
Au prix du choix de sa mère qui a abandonné une carrière professionnelle haut placée pour donner du temps à sa fille. Pour jouer avec elle, lui parler, lui parler. Lui parler encore et toujours. Pour apprendre le LPC (“Langage Parlé Complété” je peux développer ce thème une autre fois si ça vous intéresse, ou via e-mail) et l’utiliser dès qu’elle s’adresse à Lucile. Pour faire bouger les choses au niveau de l’intégration scolaire. Pour l’emmener chez l’orthophoniste. Pour s’impliquer dans une association, assister à des colloques sur la surdité.
Et aussi au prix d’une intervention chirurgicale révolutionnaire.
Lucile est “implantée”. Sa surdité est le résultat d’un dysfonctionnement de la cochlée. Pour faire simple, disons que son oreille reçoit normalement les ondes générées par les bruits, mais ne sait pas les transformer en sons. La chirurgie peut désormais implanter des électrodes dans la cochlée pour compenser les cellules déficientes. Cette “installation” est complétée par un appareillage auditif complexe et externe.
Je ne rentrerai pas dans les détails techniques de cette intervention compliquée.
Une question philosophique s’est posée au moment de la prise de décision par rapport à la pertinence de l’intervention chirurgicale. Elle n’avait pas deux ans quand ça s’est passé (plus tôt c’est fait, meilleurs sont les résultats). À cet âge-là, il est évident qu’on ne pouvait pas lui demander son avis. Ses parents (et nous avec) ont fait le choix de la communication orale. Non pas par “facilité” pour eux, encore moins par déni du handicap. Mais, sauf si vous êtes vous-mêmes sourds, vous connaissez beaucoup de personnes autour de vous qui pratiquent le langage des signes ? Moi non. Ce choix a donc été fait pour que Lucile puisse communiquer avec le plus grand nombre, c’est-à-dire de façon orale, de sa part comme de la part de son interlocuteur. Il a été fait en conscience du risque qu’un jour, Lucile déclare à ses parents qu’alors, ils ne l’aimaient pas comme sourde… Mais au contraire, c’est par amour qu’ils ont fait ce choix. Et il est clair que si plus tard elle veut tout débrancher et ne plus communiquer que par le langage des signes, personne ne s’y opposera. Mais au moins, elle aura eu le choix. Le choix, n’est-ce pas le plus beau cadeau que l’on puisse faire à nos enfants ? Encore faut-il leur en offrir la possibilité.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui le résultat est là, Lucile est différente, handicapée diront certains, mais comme les autres aux yeux de la plupart des gens. Et c’est là que le bât blesse.
Parce que si Lucile peut donner le change, c’est au prix d’efforts constants et énormes. De sa part et de la part de son entourage. Bon nombre de personnes concernées de près ou de loin pensent que l’implant cochléaire est une finalité en soi. On vous opère et hop, vous entendez. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche. Si Lucile est aujourd’hui capable de communiquer oralement, de façon tout à fait normale en apparence, avec une belle voix, c’est grâce au travail qu’elle effectue quotidiennement et aussi à l’implication et à la prise en compte permanente de sa “différence” par son entourage. Le processus de pensée des sourds est différent de celui des autres. La notion de temps, et même d’espace n’est pas la même. Ils ne voient pas les mêmes choses que nous parce qu’ils n’associent pas les mêmes sons que nous à ce qu’ils voient, si toutefois ils entendent un peu.
Pensez-y la prochaine fois que vous serez confrontés à un sourd, implanté, appareillé ou pas. Parlez en face à face, mettez votre visage à hauteur du sien, ne détournez pas la tête en pleine phrase, le visuel dans la communication est primordial pour un sourd. Il n’est pas forcément nécessaire de hurler. Il faut montrer.
Et plus généralement, sachons nous adapter, ne déléguons pas systématiquement l’adaptation aux handicapés. C’est tellement plus facile pour nous que pour eux.
Merci pour eux.
NB : pour conclure, je voudrais juste rendre un hommage au Professeur Fraysse qui a opéré Lucile et qui a reçu un prix de la médecine pour son travail, sans qui tout serait différent aujourd’hui. Grâce à lui et à ses parents, Lucile est un “cas à part” dans le monde de l’implant cochléaire, un exemple pour les parents d’enfants sourds et un espoir pour certains sourds. La preuve vivante d’une spectaculaire réussite.
Signé : Broutilles »
102 commentaires
C’est un superbe témoignage, très émouvant! J’ai découvert cette technique récemment avec l’émission “l’Oeil et la Main” sur France 5 et je trouve formidable qu’on puisse faire de tels progrès.
Cette petite fille doit être tellement aimée par ses parents pour avoir compris ce qui se passait autour d’elle! C’est un magnifique cadeau qu’ils lui ont fait, qu’elle décide de le garder ou non. Merci de relayer de si belles histoires Hélène.
Je vais bientôt être orthophoniste et je fais un stage dans un centre pour enfants sourds.
C’est la première fois que je lis l’histoire d’une famille, la découverte de la surdité, l’implantation…écris par un membre de la famille et non pas par une ortho ou un médecin.
J’aime travailler avec des enfants sourds, ils sont à fond dans la communication et même quand l’implant est cassé…. certains bout d’chou arrivent à lire sur nos lèvres tout ce qu’on lui dit.. tout passe par le regard c’est surprenant.
En tout cas merci d’avoir ce très beau texte, merci pour eux et j’admire le dévouement de ta famille (LPC..) qui a permis à ta nièce d’être intégrée dans une école.
Bonne journée à toutes
Pfffffff, on en prend plein la tête et le coeur de cette histoire ! C’est vrai qu’on y pense pas , surtout quand la personne en face est apparemment “normale” (Dieu que je déteste ce mot !) …
Ton histoire, ta façon de la raconter, m’ont bouleversée, Broutilles… merci :o)
Ben c’est malin, c’est tellement touchant comme histoire que j’ai mon maquillage qui coule. Ma cousine est sourde au troisième degré. Elle est maintenant dentiste, elle a 2 magnifiques enfants et elle est mariée à un type formidable… Mais effectivement au prix de grands efforts (de sa part et de celle de ses parents). Quelle belle leçon de courage et d’humilité (je sais, c’est bateau comme phrase, mais c’est tellement vrai)
c’est magnifique d’amour, de don de soi, de travail, de compréhension des autres…
laisser le choix à un enfant est effectivement le plus beau cadeau qu’ils aient pu lui faire.
et surtout Bravo Lucille, vaillante petite fille !
pardon !
Bravo Lucile, vaillante petite fille !
Je suis une “devenue malentendante” et à un degré moindre, je me retrouve tout à fait là dedans. Dire aussi que la surdité est un handicap qui génère malentendus sur malentendus d’abord parce qu’il ne se voit pas… et qu’il est incroyablement mal connu et minimisé. Il y a du chemin….
Trés émouvant. Tu mets de bons mots sur les choix d’amour que doivent parfois faire les parents envers leurs enfants. Tu écris trés bien aussi quand tu parles du regard des autres.
Quel dévouement familial ! Quel lien !
Je vous lis je vous lis, l’une après l’autre depuis 9h ce matin et c’est moi qui ai les larmes aux yeux… Je suis heureuse que ce témoignage vous touche et vous amène à la réflexion sur ce problème.
Zoez, ton travail est formidable et crucial dans le monde de la surdité. Pratiques-tu le LPC, le langage des signes ou les deux ?
Fanchette, ta Lucile est une autre Lucile, tout aussi belle que la “mienne”, mais ton histoire m’a fait pleurer par tant de sensibilité.
Coralie Marie, non, il n’y a pas de sacrifice maternel dans tout ça. Ce n’est en tout cas pas comme ça que la situation est vécue et je sais que je peux parler au nom de ma soeur en disant cela. Par ailleurs, je parle essentiellement de ma soeur dans ce témoignage, mais mon beau-frère est lui aussi très impliqué dans tout ça, il a appris lui aussi le LPC comme toute la famille (parents, grands-parents, oncles, tantes) même si pour ma part, le manque de pratique me l’a fait un peu perdre (je ne vis pas avec ma nièce, même si nous nous voyons beaucoup). C’est juste, comme vous le relevez toutes, une question d’amour…
Merci merci à toutes !
Funambuline, ton comm” est arrivé pendant que j’envoyais le mien, merci à toi aussi !
Je dois vous laisser quelques heures, je reviendrai dès que possible.
Et à Hélène : je te l’ai déjà dit, mais je le redis : encore un grrrrrrrand merci !
Il est bon de rappeler comment parler à un sourd, une collègue avec qui je travaille souvent est sourde, et bien que je le sache, il m’arrive effectivement encore souvent de tourner la tête au milieu d’une phrase, de lui parler sans la regarder, ces petits réflexes dont on ne se rend compte qu’en lisant l’incompréhension sur le visage de la personne en face.
Merci pour cette histoire très touchante.
Ton texte est très émouvant, Broutilles…
En dehors de la terrible découverte de la surdité de ta nièce et des efforts immenses que son entourage et elle-même ont été amenés à faire, je trouve que ton message est porteur d’un grand espoir.
Et ça fait du bien de voir que dans le monde, il y a des personnes qui s’occupent du “bien-être” (je ne trouve pas mon terme très adapté, mais c’est le seul qui me vient à l’esprit) des autres…
Elle est belle, ton histoire de famille, Broutilles, merci de l’avoir bien racontée.
J’avais vaguement entendu parler de cette opération sans rien y comprendre, là j’ai tout bien compris.
Pour les médecins qui ne voient rien… j’ai eu ça aussi
c’est moins sévèe mais j’avais détecté vers 9 mois les sérieux problèmes de vision d’un bébé et l’ophtalmo consultée m’a ri au nez après examen, genre “quelle mère hyper anxieuse”.
ouais? ben lunettes à 6 ans, donc 5 ans de perdus :(
Quelle jolie histoire!
C’est superbement bien raconté…
J’en ai les larmes aux yeux!!!
Quel courage pr toute la famille et sutrout de la grande Lucile!!!!!
De l’amour tjrs de l’amour c’est beau ca!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je pense fort à elle et à tout les malentendants :)
Merci pour ton témoignage. J’ai été très émue en te lisant, certainement parce que je suis maman aussi.
Je ne connaissais pas cet implant que tu évoques ni même le LPC, mais je comprend tout à fait ce désir de toute votre famille de laisser le choix à Lucile. Chapeau à ta soeur d’avoir tout planter pour s’occuper de sa fille, et surtout chapeau à Lucile qui doit être, du haut de ses 7 ans, un sacré petit bout de femme.
l’hommage que tu rends à ce professeur, on ne peut que s’y associer, beaucoup penser à cette petite fille épatante et à sa famille qui lui a tant donné.
et réfléchir à la chance que nous avons de bien entendre, bien voir etc
je souhaite une très belle vie à Lucile. et je lui fais plein de bisous.
Je suis au bord des larmes….. C’est tellement touchant !!! Mais, heureusement cette petite fille à la chance d’avoir un entourage formidable !!!!
A, sois la bienvenue ;-)
c’est vraiment magnifique! du courage, de l’amour, c’est tout simplement beau même si c’est difficile pour toute la famille
ces témoignages nous font monter la larme à l’oeil, comme quoi MBDF ce n’est pas seulement du sauciflard, du shopping et du make up…
Merci à toutes, merci Hélène!
Il est formidable, ce témoignage, formidable. Impressionnant. Quel courage chez cette petite fille, comme c’est mignon, comme c’est génial. Embrasse-la.
Un hiver au bord de la mer, je faisais tourner un petit manège. 1 euro le tour. Pas de pompom de mickey, pas de lumière ni de musique criarde. Un tout petit manège en bois fabriqué par un sculpteur. Doré à la feuille d’or.
A côté, un gros manège avec un pompom, des néons et de la lumière, un voiture de pompier. Chez nous, des sirènes à chevaucher, des sardines aux écailles dorées, un bateau qui roulait doucement sur l’eau au son de l’accordéon tzigane quand notre radio-CD daignait fonctionner.
Tous les enfants voulaient aller décrocher le pompons du mickey. Tous les parents venaient chevaucher nos sardines.
Et cette toute petite fille, délicieuse, s’arrêtait devant notre manège tous les jours. Elle avait de jolie boucles blondes, un air rêveur. Elle observait pendant de longues minutes. Quand venait son tour d’y monter elle choisissait consciencieusement son sujet. Elle essayait la sirène. Testait le triton. Manipulait le volant du bateau. Nous la laissions faire. Et j’appuyais sur le gros bouton rouge quand elle avait trouvé sa place.
Pendant le tour, elle se perdait immédiatement dans ses rêves. Elle souriait. Ses parents étaient heureux de la regarder se perdre dans ses pensées.
Le dernier jour, ils nous ont expliqué qu’elle était sourde depuis sa naissance et qu’elle allait bientôt se faire implantée et qu’ils avaient très peur de l’avenir.
C’était forcément Lucile.
Merci Broutille, je suis heureuse de savoir qu’elle est devenue une si belle enfant de 7 ans.
C’est une très belle histoire et une très belle famille, très émouvant. Dommage qu’une fois de plus, ça passe par le sacrifice de la mère.
Hé ben… que dire.. c’est tellement touchant!!
Tu sais, avant de venir au sujet du jour la sourdité, j’ai envie de parler de ce qu’on ressent en lisant ton texte “broutilles”. C’est l’amour. Ou plutôt, l’AAAAAmour ! C’est juste.. super beau.
J’ai été très touchée par ton texte.. ça doit être un tel choc…
Le sujet, je le connais bien. Mon papa est malentendant. Il n’est pas sourd. Mais il entend vraiment très mal. Et alors si il a un rhume ou autre, pour sur il entend plus!
Alors parler bien en face, parler fort, ne pas mettre la main devant sa bouche lorsque je lui parle, je connais…
Et je m’insurge contre les gens qui ne le font pas… Quand mon pap’s vient me prendre au boulot, si mon collègue vient avec, je lui dis toujours, discrètement : attention, parle TRES fort. Mon papa n’entend pas….
Lors d’une conversation… je suis toujours à répéter la question pour mon papa. ça doit paraître bizarre pour l’extérieur, pour ceux qui ne connaisse pas. Mais c’est pourtant tout naturel!!
En tout cas, je pense que dans son malheur, cette puce a de la chance d’être aimé! Et ce qui est magnifique, c’est que l’amour se ressent… et ça, elle la sent c’est certain!!
Bon courage plus loin en tout cas!
Et merci pour ce touchant témoignage…
Gros bec!
mon fils est/était dysphasique *, je me suis battue toute son enfance pour qu’il ne soit pas étiqueté “débile”. Aujourd’hui encore il a un parlé différent et doit fournir plus d’effort que les ados “standarts”.
Courage à tous les enfants différents et à leurs parents.
* à 6 ans et 9 mois, à son entrée en cp, le seul mot comprehensible était “maman”, il savait lire à Noël
Très joli témoignage Broutilles…
J’ai une collègue qui souffre de surdité d’une oreille…Elle est en fait en formation avec moi, en alternance…
Elle me l’a dit dès son arrivée, ce qui ne m’a pas posé de problème..
Néanmoins, quand le téléphone sonne, et qu’elle est dans une autre pièce, et que je ne peux répondre, je ne cache pas qu’il faut que je me souvienne qu’elle ne peut pas forcément entendre la sonnerie d’aussi loin…
C’est une gymnastique de l’esprit que je n’ai pas de prime abord, tellement nous ne sommes pas habitués à la différence (non visible).
Elle fait preuve de volonté, est soucieuse de bien faire; bref, elle veut réussir, et moi je me dis que je dois l’aider à progresser, avec sa différence…
Et quand je vois ses yeux quand je la félicite pour une tâche bien accomplie, je me dis que ces petits encouragements doivent lui permettre de se sentir comme les autres….
C’est bien là, la moindre des contributions que je puisse faire pour elle…
Très touchant ce texte, en tous cas, j’admire la force de cette petite Lucile, quel courage!
Magnifique texte d’Amour, merci à toi Broutille de nous avoir fait partager cette émotion …
merci pour cet émouvant témoignage Broutilles.
on se sent moins “ignorant” sur la question en lisant ton texte tant que le plan “technique” (si je puis dire) que sur le plan humain. On n’imagine pas ce qui se cache en “coulisse”, le courage, l’amour…
c’est aussi un très bel hommage à toutes les familles qui sont touchées par le handicap d’un proche.
Fanchette, tu me fais pleurer au bureau, c’est malin !!!!
Salut broutille, et merci!
Je suis très sensibilisée à ce monde-là, deux proches mal-entendants, une sourde, j’ai eu la chance de travailler sur un film avec une association de mal-entendant et j’ai appris pour cette raison-là des bases de LSF (language des signes), c’est une langue incroyable, fascinante, poétique. Faut que je m’y remette!
Et pour toutes celles que ça intéresse, je recommande vivement “Le monde des sourds” de Nicolas Philibert (celui qui a fait aussi “Être et avoir” qui a eu tellement de succès, pour vous le situer) qui se trouve en dvd, ça vaut vraiment le coup, n’hésitez pas!
Touchant, bouleversant et plein d’espoirs. Bravo !!
Broutille… tu m’as émue à un point!!!!
Quand j’étais pré-ado, une de mes meilleures amies était sourde profonde non appareillée. Elle était en école spécialisée et a appris à “parler”, on communiquait comme ça. J’étais intriguée par cette “langue” étrange qu’elle parlait avec ses copains, la LS. Puis j’ai déménagé. On a perdu contact.
Depuis, je cherche un cours de LSF pour entendants, je suis hyper attirée par cela. J’habite en face d’un centre orthophonique pour sourds et mal-entendants (Bellan), et il m’arrive de rester devant, à l’heure de la sortie des classes, et les regarder parler, signer…
Je cherche toujours un cours….
Lucile a l’air d’avoir tout compris à la vie, l’Amour parental et familial, mais aussi qu’il faut se battre, tout le temps.
Je lui souhaite beaucoup de bonheur!
Bisous!
Tres beau temoignage, merci de nous avoir fait partager ca.
Ta reflexion sur la decision d’operer ou pas pour essayer de “pallier” au probleme est particulierement juste, il est evident que ses parents ont pris leur decision en tout etat de cause, en assumant les consequences, un vrai acte d’amour reflechi et genereux.
J’ai été bouleversée aussi par ce témoignage. Les doutes, le ciel qui tombe sur la tête des parents, les tergiversations, et la force d’âme de Lucile… et de tant d’autres, car il en faut, de la force, pour savoir vivre avec cette différence, implant cochléaire ou non…
Il y a longtemps que je me pose cette question : “Et si j’étais sourde, est-ce que j’aurais préféré avoir été implantée, ou non ? “.
Pourquoi cette question ? Ma soeur a eu l’occasion de travailler avec de jeunes sourds, et m’a beaucoup parlé de cette expérience.
Quant à moi, je suis malentendante.
Je dis bien “malentendante”, pas sourde. Je suis furieuse chaque fois que j’entends (ou lis) malentendant pour sourd, malvoyant pour aveugle… Bon sang, que vient faire là ce “politiquement correct” qui empêche les gens d’appeler les choses par leur nom ? Est-ce pour minimiser la réalité, éviter d’y réfléchir, se voiler la face, enfin ? Et refuser de pénétrer un peu le monde de ceux qui ont une différence avec eux ?
Je mesure tellement bien, chaque jour, ma chance de ne pas être sourde ! Moi qui aime tant les bruits de la vie… La musique, le chant des oiseaux, une parole gentille, le rire (ou les pleurs ;-) ) de mon bébé… (Bon, je vous laisse volontiers les bruits de perceuse et la viande qui cuit, quel boucan !).
Tout ce qui me manque tant quand par malheur mes appareils auditifs tombent en panne. (En même temps en général, forcément.) Certes, n’étant pas sourde, il me reste un conatct avec le monde sonore. Les bruits les plus forts, je les perçois. Je peux suivre une conversation avec une personne qui parle fort, en me concentrant. Voire poursuivre mes études ou mon travail, au prix de grands maux de tête (que connaissent ceux qui ont cassé leurs lunettes, j’imagine).
Mais comme ce monde devient différent, étrange, étranger même,dans ces circonstances…
Traverser une rue, vous imaginez-vous ce que c’est, lorsqu’on ne peut pas compter sur le son ? Surtout une rue qu’on ne connaît pas…
Et puis, le cerveau, les sens s’adaptent. Question de “survie”. Le monde devient moins hostile. Lire sur les lèvres et les expressions, réagir au moindre mouvement capté, interpréter, “deviner”…
Et lorsque revient le son, les appareils enfin réparés, c’est un nouveau choc. Un nouveau travail d’adaptation. Réapprivoiser les sons (quel boucan !), rappeler aux proches de parler moins fort maintenant… mais aussi se réhabituer aux “nouveaux sons”, car , voyez-vous, ce n’est pas seulement une question de “puissance”, mais aussi une variation dans les graves, les aigus… les gens n’ont pas du tout la même voix, avec ou sans appareils, aussi perfectionnés soient-ils !
Et le bonheur de pouvoir communiquer librement à nouveau, d’écouter de la musique (je remercie en même temps le progrès du numérique, qui a tout changé, même si c’est au prix fort côté portefeuille).
Oui, j’ai beaucoup de chance. Et c’est pourquoi je m’interroge parfois. Si javais été sourde, aurais-je aimé avoir un implant cochléaire, pour pouvoir m’intégrer mieux? ou aurais-je préféré vivre dans ceta utre monde, simplement ? Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne suis sûre que d’une chose : c’est qu’il est essentiel, en effet, que Lucile sache pour quoi ses parents ont fait ce choix. Pour elle, pas pour eux. Ca change tout.
Et ils l’ont fait assez tôt pour qu’elle puisse en profiter vraiment, apprendre à parler…
De même que je remercie mes parents de m’avoir fait appareiller le plus vite possible, malgré le prix…
Quant à moi, on m’a demandé un jour “Si une opération pouvait te rendre une ouïe parfaite, le ferais-tu?”.
J’ai réfléchi, et j’ai dit “non”.
C’est trop tard, je ne veux pas changer de “monde”. J’ai construit ma personnalité sur ma différence. Aussi petite soit-elle. Comme tout le monde.
Je souhaite beaucoup, beaucoup de bonheur à Lucile !
Très intéressant elmaya comme réflexion!!!
Je suis formée au LPC et à la DNP (dynamique naturelle de la parole) et ce sont les enfants qui m’apprennent la LSF car ils sont dans des classes bilingues (oral/LSF). Quand je fais mal un signe ils me prennent les mains et les placent correctement… et ça les fait beaucoup rire!
Bon je ne connais que très peu de mots en LSF et normalement l’année prochaine je commence à suivre des cours!
Quel témoignage poignant Broutille… Tout au long de la lecture j’avais une “boule” à la gorge, mais je dois dire que j’ai été “soulagée” par le dénouement, le fait qu’elle ait pu savoir parler et communiquer avec le reste du monde… je ne vois pas comment elle pourrait en vouloir à ses parents d’avoir fait ce choix… ;-)
Magnifique témoignage !
Merci de nous montrer que malgré tout, la vie est belle et que les familles soudées existent.
Tout le bonheur du monde à Lucile.
Broutilles, tu écris magnifiquement.
Et ton texte est très émouvant. Je n’ai ni sourd ni malentendant dans mon entourage, mais j’ai deux petits garçons.
Je ne sais pas comment j’aurai réagi si l’un d’entre eux avait été frappé par un tel handicap.
J’ose espérer que j’aurai été d’une aide aussi dévouée, efficace et aimante que ta soeur.
Belle vie à Lucile.
Bonjour à toutes,
Broutille, quel beau récit, très émouvant, j’en ai les larmes aux yeux.
Je souhaite à Lucile et ses parents tout le bonheur du monde.
C’est une très belle histoire, une très belle plume et surtout, un sujet extrêmement intéressant. Merci de nous l’avoir fait partager et expliqué de cette façon, Broutilles…
Serait-il possible d’en savoir plus sur le LPC?
Je viens de lire le commentaire d’Elmaya; cela, ajouté au texte de Broutilles : quelle jolie leçon d’ouverture d’esprit, de relativité… merci encore les filles de nous enrichir avec ces singularités, en nous offrant un point de vue supplémentaire sur le monde! c’est inestimable.
Merci pour ce témoignage Broutilles !! Je vais être orthophoniste et je dois dire que cette histoire est touchante, et pleine d’espoir pour beaucoup de gens ! Elle me donne encore plus envie d’exercer mon futur métier. Encore merci. ;-)
cette histoire est vraiment poignante… Ado le jeune frère d’une de mes meilleures amies était très malentendant. Sa famille avait fait le choix qu’il aprenne à parler coute que coute pour pouvoir communiquer avaec le plus grand nombre, et il ne parlait donc pas le langage des signes. Mais malgres son appareillage il entendait tellement peu à 10/12 ans que je n’arrivais pas à comprendre ce qu’il disait.
Je me souviens de ses énormes colères, de sa frustration de ne parfois pas pouvoir se faire comprendre des autres.
J’ai travaillé avec un chef sourd d’une oreille qui en plus ne parlais pas la même langue que moi, je me dis à posteriori et grâce à ce texte que j’aurais pu être plus attentive. D’un autre côté la communication dans une langue étrangère est particulière et naturellement on est plus attentif au visuel pour compenser ce qui nous echappe.
Comme je l’ai dejà dit ici, ma fille est aussi atteinte d’un handicap qui ne se voit pas. C’est une maladie rare (et elle est le seul cas enfantin, en plus) donc pas de traitement. Merci pour ce témoignage Broutille. Il n’est pas évident pour les parents de trouver oreilles qui écoutent ou quelqu’un d’autre qui vous parle de choses qui vous touche, mais ton témoignage m’a parlé. Et comme tu dis, on en vient à détester les médecins.Le premier que j’ai vu, il y a un an m’a dit que mon mari violait Océane et m’a jetté de son cabinet. Vous imaginez ma stupeur. Je n’ai rien compris. Le deuxième nous a envoyé chez des psy…. C’est terrible de devoir dire 1000 fois, que oui tout va bien !!! Que oui on s’aime, etc…. Le troisième a compris ce qu’elle avait. Ouf, enfin un nom sur la maladie. Examens sur examens pour confirmer. Et là on m’a annoncé de quoi il en retournait. Océane a fait une chute de cheval et le nerf qui commande le rectum est coupé. Elle fera toute sa vie caca à la culotte. Pas de traitement existant.Elle pourra si elle le souhaite plus tard porter une poche. Elle le vit très mal et craint beaucoup les moqueries. Curieusement c’est toujours les adultes qui lachent les mots qui blessent. Les enfants s’en moquent et ne l’embêtent pas. J’ai très peur pour l’adolescence … et sa vie de femme. Et puis il y a les complications de la maladie. Son rectum est trop développé et du coup elle a une atrophie de l’utérus avec un risque de stérilité. On passe son temps à lui faire des examens gynécologiques. Elle qui de toute sa vie (6 ans) n’a eu qu’une roseole passe maintenant sa vie chez les médecins.
Oh strange lady, les médecins sont vraiment parfois des cons sans aucune psychologie, ton mari a du être terriblement choqué!!! Bon courage à ta choupette!
Merci pour ce texte, et pour le tien aussi Fanchette. C’est vraiment émouvant, et ça me remplit de courage ce matin.
Je trouve que Lucile a de la chance dans son épreuve. D’être si bien entourée, acceptée, et aimée. Il y a des médecins qui parfois ne détectent pas la surdité avant que l’enfant ait 8 ans (ça arrive encore, c’est une amie orthophoniste qui me parle de ça, elle travaille avec les enfants). Il y a des parents qui ne veulent tellement pas l’accepter qu’ils ne changent pas de médecin.
J’adore la sensibilité de cette petite fille que décrit Fanchette. J’ai plaisir à voir que certains enfants qui ont pu naître avec plus d’épreuves à traverser, ont su, dans leur courage, développer tant de choses. Broutilles, tu dis que Lucile a cette gravité dans le visage, qui n’appartient qu’à elle, et elle arrive avec ça à être aussi une petite fille joyeuse. Je dis une petite fille, mais je suis sûre que Lucile est déjà bien plus grande que les autres, qu’elle a acquis un peu de cette maturité qui l’aidera à traverser la vie, à en capter le meilleur, à affronter les épreuves, avec plus de courage et et de lucidité que d’autres. Et grâce à sa famille, j’ai l’impression qu’elle a aussi droit à l’insouscience de l’enfance, ou du moins à ses joies, et ses petits bonheurs. Je me trompe peut-être dans tout ça…
Merci les filles, merci Broutilles et merci Hélène pour cet hymne à la vie.
Ils sont souvent drôlement émouvants les témoignages de toutes tes lectrices…
compilés tous, ça donne souvent la larme à l’oeil même…
Strange lady, ton temoignage me touche beaucoup… De nos jours malheureusement, les medecins ont parfois la conclusion facile et rapide :( Meme si on sait qu’ils sont petris de bonnes intentions, les accusations a la va-vite peuvent parfois blesser…
Bon courage a toi et a ta fille, et plus generalement, bon courage a toutes et tous ceux qui sont confrontes a ces accrocs de la vie :)
Au risque de répéter ce qui a déjà été dit dans la quarantaine de commentaires fait avant le mieux, je voulais simplement donner mon sentiment à la lecture de cet article: ce témoignage m’a beaucoup ému. Voilà.
Quel beau témoignage Broutilles…
Je suis, comme Zoeoz, étudiante en orthophonie, dans un an et quelques mois j’aurai moi aussi le privilège de m’occuper d’enfants sourds et de les aider à avoir une communication la plus normale possible (dans normalité, j’entends “comprendre et se faire comprendre” , avec gestes, oralité ou les deux).
Je suis moi aussi en période de stage pour tout le mois avec des enfants sourds (et un adulte devenu sourd et implanté). Je crois que ma vocation est faite… Ce sont des enfants touchants, curieux (souvent plus que les autres) d’apprendre et qu’on s’intéresse à eux, qu’on leur nomme les objets même s’ils n’entendent pas.
Les enfants, implantés ou appareillés, que je suis ont tous un bon niveau de langage (la prise en charge précoce fait des miracles!) et posent beaucoup de questions. Une de mes profs semblent les prendre pour des débiles qui ne comprennent pas grand chose…ça me sidère et mon stage m’a permis de voir qu’il n’en est rien. Ce qu’on aborde sur une séance, ils le retiennent souvent bien mieux que nimporte quel enfant. Ils sont avides de vocabulaire, semblent boire nos paroles et adorent les histoires!
Merci encore pour ce beau récit.
Missslilie
Euh… Broutilles, au vu de ce que tu écris, mon cas devrait peut-être t’intéresser…
Je suis sourde profonde 3e groupe depuis ma naissance. Mes parents ont découvert ma surdité à un an et demi, et ont tout de suite choisi le LPC, eux aussi, parce qu’ils ne voulaient pas non plus que je sois cantonnée à la langue des signes. J’ai été très vite appareillée avec des prothèses analogiques, et j’ai suivi ma scolarité en intégration avec codeur LPC dès l’entrée à la maternelle. Comme ma mère m’avait appris à lire à trois ans et écrire à quatre ans, j’ai sauté le CP et je suis arrivée en CE1 à 5 ans, toujours en intégration avec codeur LPC. Je n’ai eu aucun problème jusqu’à la sixième, où mes parents m’ont mise dans un grand lycée parisien en intégration sauvage (sans codeur ni information préalable des professeurs et des élèves). A partir de là, c’est devenu le grand chambard au niveau des rapports sociaux – le prof qui fait la dictée en se baladant nonchalamment entre les rangées la tête baissée sur son livre, ou les camarades de classe qui ne veulent pas répéter quand j’ai pas compris, parce que ça les saoule, GRRR… Mais jamais au niveau scolaire, où j’étais toujours dans le peloton de tête.
Mes parents pratiquaient le LPC au quotidien; ma mère s’était arrêtée de travailler trois ans pour moi et mon frère (entendant, lui, mais arrivé au bout de 2 ans d’arrêt de travail, donc elle a repris plus tard que prévu pour s’occuper de lui), mais depuis mes quatre ans, elle a repris le boulot et ne s’est plus jamais arrêtée.
A douze ans, je parlais pas trop mal, j’arrivais à me faire comprendre et à comprendre les autres, mais cela me demandait des efforts énormes. Mon ortho me parlait déjà de l’implant, qui était arrivé en France depuis quelques années, mais l’opération me faisait peur. Pourtant, cette année-là, elle a fini par me convaincre en me parlant des progrès des jeunes déjà implantés, par rapport au niveau qu’ils auraient eu avec des prothèses numériques. Alors, j’ai fait le siège de mes parents pour qu’ils acceptent à leur tour l’implantation. Il m’a fallu revenir à la charge chaque jour pendant trois mois pour les faire céder. Puis six mois pour que les démarches avec l’hôpital soient faites et mon dossier accepté. Et, peu de temps après mes treize ans, j’ai été implantée.
Mes parents n’étaient pas spécialement pour. Cet implant, c’est moi qui l’ai voulu, à l’origine. Et ce que je peux dire, c’est que je ne l’ai jamais regretté. Pourtant, à cause de la profondeur de ma surdité, et du fait qu’elle soit de naissance, on ne pensait pas que j’aurais des résultats faramineux avec l’implant. Alors, effectivement, contrairement à un enfant implanté dès six mois, je n’ai pas assez d’aisance pour parler au téléphone ou autant de plaisir à écouter de la musique. Mais maintenant, j’entends les sonneries du téléphone et de la porte d’entrée, les cigales l’été, le crissement des griffes de mon chat sur le sol. Maintenant, ma voix, de très grave et hachée, est devenue presque normale, si bien que les inconnus, même s’ils me prennent pour une étrangère, me comprennent sans souci. Et surtout, maintenant, je peux comprendre les gens beaucoup plus facilement et rapidement. Ca ne change peut-être pas beaucoup les choses, en apparence; mais rien que le fait de pouvoir sortir acheter du pain sans me demander “cette fois, est-ce que la boulangère va me comprendre? Est-ce que moi je vais la comprendre?”, ça m’a changé la vie à un point hallucinant.
Bon, il faut avouer aussi que l’implant n’a pas changé grand-chose à mes problèmes sociaux; comme les gens n’avaient pas été informés, ils s’étaient déjà fait leur opinion – celle-là, dans la catégorie “débile” – et ma réputation au lycée était déjà faite et immuable. Malgré ça, j’ai eu sans problème un bac littéraire, avec latin/grec, à seize ans. Puis j’ai fait quatre ans de prépa littéraire, avec un codeur LPC, et une vie sociale nettement meilleure (la maturité des entendants aidant…) et maintenant je suis tranquillement en M2 Littératures françaises à vingt-deux ans.
Je n’ai donc pas eu de problème dans mes études; dans ma vie sociale oui, mais c’était dû à la grosse erreur de mes parents qu’était le choix de l’intégration sauvage, sans aucune information donnée aux professeurs et aux élèves. C’est un peu le truc à ne jamais faire… mais bon, ce qui est fait est fait.
Ce qui est sûr, c’est que je n’ai jamais regretté le choix qu’avaient fait mes parents de l’oralisme. La LSF m’aurait peut-être rassuré et sécurisé affectivement en m’enfermant dans une communauté sourde. Mais je n’aurais jamais pu en sortir pour connaître le monde tel qu’il est, rencontrer des gens au même titre que les entendants, me frayer mon propre chemin, sans m’arrêter à des préjugés (“les sourds ne peuvent pas faire d’études littéraires”, “un sourd profond, ça ne peut pas faire d’études longues”). Et surtout, j’aurais eu beaucoup plus de mal à apprendre le français, qui a toujours été mon domaine d’intérêt premier, dès le moment où j’ai appris à parler, grâce au LPC, et qui est aujourd’hui l’essence de mes études.
A côté de cela, effectivement, j’en ai pas mal bavé parfois; l’intégration n’a pas été simple durant ma jeunesse – particulièrement au moment de la crise d’adolescence – mais elle est toujours un peu plus complexe pour un sourd que pour un entendant. Il faut dire qu’une chose aurait pu être évitée cependant : c’est l’erreur de mes parents de faire le choix de l’intégration sauvage en sixième, alors que je n’avais que neuf ans, et de ne faire aucun effort d’information auprès des professeurs et des élèves. S’il avait été fait, ça m’aurait épargné nombre de commentaires qui me faisaient enrager (style “T’as du caca dans l’oreille ou quoi?” >:- ( ).
Lors de mon adolescence, j’ai eu aussi beaucoup de mal à accepter ma surdité, à cause de son retentissement sur les rapports humains, et j’ai parfois eu envie de me refermer, de me mettre à la LSF, et de ne plus quitter le milieu sourd. Mais, finalement, c’est ce handicap, c’est cette dureté de l’intégration au monde des entendants qui ont fait de moi ce que je suis; qui m’ont donné cette volonté et cette pugnacité qui m’ont permis d’être implantée, de faire les études que je voulais, et de mener ma vie en toute indépendance. C’est aussi grâce à ma surdité qu’aujourd’hui, beaucoup de gens me disent étonnamment que, contrairement à beaucoup d’entendants, je sais écouter. Eh oui, ça m’a demandé tellement d’efforts d’apprendre à parler et à me faire comprendre, que lorsque quelqu’un essaie de me faire comprendre quelque chose, j’y fais attention… :)
voilà… c’est un peu long… mais il me semblait que cela pouvait t’apporter quelque chose vis-à-vis de Lucile. Si ce n’est pas le cas, bon ben j’en aurai été quitte pour m’étaler inutilement! :D
Anakin sois la bienvenue, et merci du fond du coeur pour ce commentaire très riche !
@ Anakin, ce que ton témoignage évoque en moi, c’est cette phrase de Nietzsche “ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort”. J’imagine (mal certainement) que les années collège-lycée ont du être sacrément difficiles, surtout en raison de “l’intégration sauvage”. Mais avoir son bac à 16 ans et être en prépa littéraire, c’est une sacrée revanche face à tous ceux qui ont des préjugés idiots sur la surdité. Chapeau en tout cas et merci mille fois pour ce témoignage.
Très bel article, très touchant très vrai !
Merci à Broutilles pour cet émouvant témoignage et aux autres “commentatrices” qui m’ont appris plein de choses aujourd’hui.
@Anakin: merci pour ton commentaire!
Bonjour à toutes,
tous ces témoignagnes sont vraiment très poignants.
j’ai eu une collègue dont le fils aphasique (sans problème de qi ou de comportement) a été refusé à l’école primaire de son quartier, l’institutrice ayant avancé que “comment allait-elle savoir que cet enfant saurait lire s’il ne peut pas parler”.
résultat, l’enfant est scolarisé dans un CESAD – où il apprend entre autres à lire sans problème… parce qu’il y avait une place dans cette école spécialisée – mais sinon? que serait-il devenu? et que deviendra-t’il à son entrée au collège (puisque le CESAD est uen école primaire)?
Quand je pense à tout le mal que j’ai eu pour scolariser au mieux un enfant “simplement” dyslexique…
Et où peut-on apprendre la langue des signes?
Broutilles que d émotions en lisant ce texte ..
Moi même maman de 2 enfants je comprends la première réaction de ta sœur malade a en vomir …
Mais justement elle est allée au delà de sa souffrance
Parce que l amour qu elle avait pour sa fille était plus fort que tout
et c est de cela dont il est question dans ton témoignage, de l Amour…
Celui qui déplace des montagnes qui nous donnent l énergie pour se battre encore et encore
Et non pas que l implant n y soit pour rien,
mais je penses justement que Lucile c est battue pour entendre, “enfin” ,les mots d amour de sa maman et de ses proches..
Ton témoignage m a bouleversé,
parce qu il ma rappelé à quel point il est difficile pour les personnes qui ne sont pas dans la norme ,crée par la société, de s y intégrer.
Mais cela leur donne un courage et un appétit de vivre bien supérieur a n importe quels personne nés sans handicaps ..
Je pense notamment a la réponse à Anakin qu elle rage de vaincre cela force l admiration !
Cela me rappelle ma grand mère ,paralysée a + de 85% par une grave maladie lors de son enfance .
Elle débordait de bonne humeur, aimait la vie, avait une extraordinaire sagesse ..
Mais elle devait se battre constamment contre les préjugés et la pitié qu elle pouvait inspirée …
Grâce a ton témoignage,Broutilles, on peut voir le chemin qu il reste a parcourir, pour accepter “enfin” la différence et la banaliser …
@ anakin: merci de ton commentaire. Une question, toi qui a fait/subi (?) le choix de parler et de ne pas apprendre la LSF, comment cela se passe-t-il quand tu rencontres des sourds ou malentendants qui eux sont “en plein dedans” et qui revendiquent le fait de ne communiquer que comme ça?
Par exemple: La petite soeur d’une amie, malentendante presque sourde et en pleine crise d’adolescence, a décidé un jour de ne plus parler qu’en LSF, de manière très revendicatrice (en gros: j’en ai marre de faire des efforts, c’est maintenant les entendants qui doivent en faire pour moi), ça a duré 2 ans, puis elle a intégré une université pour sourds (aux USA il y en a plusieurs) et donc s’est confortée dans son monde à part où les entendants sont l’exception (et ils connaissent tous la LSF). Je n’ai jamais bien su qu’en penser (à part qu’elle n’avait pas l’air très épanouie à force d’être constemment en train de revendiquer… mais c’est valable pour toutes sortes d’autres revendications…).
@ wilmo: Pour apprendre la LSF en France, pleins d’infos ici: http://www.visuel-lsf.org/ (mais il y a vraiment beaucoup de cours un peu partout… et vive gougeule :-) )
Merci Broutilles, ton texte, magnifiquement écrit en plus de traiter avec sensibilité d’un sujet grave, m’a embué le regard et fait penser avec tendresse aux sourds et malentendants que je connais.
Merci Fanchette, Strange Lady, Anakin et toutes. Vos témoignages sont dignes, touchants et intéressants.
Merci Hélène pour cet espace que tu offres à tes lectrices.
C’est marrant (si on veut…): j’ai lu ton texte ce matin puis j’ai reçu une usagère sourde, tout de suite après, raison pour laquelle je n’ai pas commenté. C’est la 1ère fois qu’elle vient sans son interprète en langue des signes. A la fin de l'”entretien”, j’ai voulu lui souhaiter un bon voyage et ne sachant pas signer, j’ai fait l’avion. Je me suis sentie maladroite mais je crois qu’elle a compris ce que je voulais dire.
Sinon, je ne connais pas suffisamement la problématique pour savoir s’il faut ou non appareiller et mettre des implants aux enfants le plus tôt possible. Ce serait vraiment intéressant d’avoir l’avis d’une personne sourde qui ne s’exprime qu’en langue des signes..
Hihihi globulita, faut que je fouille, mais j’ai les signes de base quelque part à la maison… On va trouver ça, entre autre celui pour “bon voyage” :-)
Broutilles ton texte m’a fait pleurer. Je l’ai lu dès ce matin, mais n’ai pas eu le courage de poster avant. Ta soeur qui vomit sa douleur je la comprends. J’ai une petite fille, Capucine, qui va avoir 8 mois. Je suis heureuse, c’est mon petit bonheur quotidien mais, parce qu’il y a un mais, j’ai mon coeur de maman ou un 6ème sens, je ne sais pas, qui me dit que qqchose ne va pas. Son comportement m’interpelle, je me demande depuis qq temps si elle ne serait pas sourde. Je précise que c’est mon 4è enfant et que je m’y connais un peu en éveil de bb.
J’en ai parlé à son papa, mes parents, et tout le monde de me dire, “mais non, elle va très bien”. Mais je SAIS que les enfants développent des trésors d’ingéniosité qui font que plus tard on se dit “mais comment a t-on fait pour passer à côté, ce n’est pas possible !!” Même les médecins se plantent parfois…J’ai lu que plusieurs filles faisaient des études d’orthophonie, juste un truc les filles : il faut écouter les parents, ils ne disent pas que des bêtises.
Il y a des jours où je me dis que je délire et des jours où mon coeur se déchire quand je me rends compte de petites choses.
J’y ai réfléchi toute la journée et je vais enmener ma fille chez un orthophoniste : il faut que je sache.
Je suis ravie que Lucille ait été opérée et qu’ellle puisse communiquer plus facilement même si je pense que cela doit lui demander une énergie monstrueuse.
Plein de bisous à cette petite fille bien courageuse et à toutes celles qui ont écrit de bien jolis témoignages. Vous êtes courageuses les filles.
Capucine, bon courage, j’arrive pas a dire grand chose d’autre…
ma tante et mon oncle sont tous les deux sourds et muets. Ma tante comprend quand je lui parle (parce que moi le langage des signes j’ai du mal) et elle peut parfois me répondre en “parlant” . Mon oncle lui pas du tout. A sa naissance mes grand parents on imaginé le pire pour ma tante et certes elle n’a pas eu une vie toute rose mais elle a su se démerdé et elle a mi au monde une très jolie poupée qui elle n’est pas du tout sourde ni muette (une vraie pipelette!). Faire au mieux pour son enfant, c’est pas facile mais quand je vois où en est ma tante aujourd’gui je me dis que mes grands parents se sont pas mal débrouillés!
J’avais commence a apprendre la langue des signes en BTS car il y a avait plusieurs jeunes, des sourds et des malentendants dans mon école qui c’étaient proposes d’apprendre a ceux qui voulaient. Je ne me rappelle pas de grand chose malheureusement.
Ma tante est prof dans une école pour sourd.
Mon petit cousin n’est pas sourd, mais il a une maladie genetique. Je ne serais dire laquelle, il me semble que c’est liée a l’absence de Mieline dans le cerveau, tout ce que je sais c’est qu’il ne sera jamais comme tous les autres, et certainement jamais indépendant.
Ce qui a été très dur pour ma tante et mon oncle c’est que ce n’est pas eux qui ont découvert le probleme, c’est une autre de mes tantes, et ils s’en sont beaucoup voulu.
Ma tante consacre beaucoup de temps avec son fils et je me doute que c’est très difficile. Mais ce qui est certain c’est que c’est un petit garçon qui est entoure d’amour.
Je me rappelle encore le jour ou mon oncle m’a dis que ce qu’il souhaitait le plus au monde c’est d’entendre son fils lui dire “Papa”.
Je n’ai pas de nouvelles depuis quelques temps, mais il me semble qu’après la suppression d’un des médicaments il est capable de s’exprimer un peu.
Il y a des différences dans le monde, des petites différences que l’on peux “combattre”, pour lesquelles on peut apprendre d’autres moyens pour faire les choses. Et puis il y a les différences qui te mettent a part pour toujours. Dans un cas comme dans l’autre ce qui permet d’avancer c’est l’amour des proches.
Alors merci a vous parents, amis, famille, vous qui regardez ces enfants, ces adultes sans faire la différence, vous les regardez comme n’importe quel être humain. Vous faites juste un peu plus attention, vous leur donnez votre patience et votre amour pour les aider a grandir, a faire leur place comme les autres.
Merci a vous sourds, malentendants, vous qui êtes atteints de toutes sortes de maladies que nous ne connaissons pas, vous qu’on dis différents. Merci de nous apprendre quoi faire face a des situations auxquelles nous ne sommes pas toujours habitués. Merci de nous inviter dans votre vie pour nous aider a comprendre.
Broutilles,j’ai une histoire similaire à la tienne avec mon neveu qui a trois ans maintenant.Lui est malvoyant,quasi cécité avec un problème hormonal pourl a croissance …Je ne raconterais pas l’histoire ici car ce serait trop long mais tout ce que tu ressens ,tout ce que ta soeur a ressenti et ressens quand à la surdité de cette ptite puce eh bien nous l’avons vécu et le vivons encore face à la cécité de notre petit bonhomme…
Elle a fait le choix de ne pas travailler pour lui consacrer plus de temps,et il a maintenant un petit frère d’un an et demi qui est en pleine forme.On ne peut pas comprendre ce qu’est le handicap tant qu’on ne l’a pas vécu dans son entourage proche.Bon courage à toute ta famille et à toi et continuez à aimer cette petite puce comme vous le faites,c’est le meilleur médicament…
Quel beau billet!
Un grand merci à Broutilles de nous avoir parlé de la petite Lucile, à qui on souhaite le meilleur!
Je trouve ce billet très fort et les commentaires tout aussi touchants!
Oh la la les filles ! Tous vos témoignages, vos marques de sympathie, vos mots me vont droit au coeur.
Anakin, comme je suis heureuse que tu ais témoigné toi aussi. Ton exemple est un bel espoir pour Lucile, ce que tu fais est magnifique. Lucile, pour l’instant en tout cas, est en intégration scolaire avec 2 codeuses qui se relaient auprès d’elle. Mais une fois encore, c’est parce que ma soeur s’est démenée pour qu’il en soit ainsi.
L’apprentissage de la lecture passe par l’oralité, c’est évident. Et je suis profondément choquée quand je lis que l’une d’entre vous, future orthophoniste, a un prof qui pense que les sourds sont débiles ! Cette attitude ancestrale face à la surdité omet juste une chose, un tout petit détail : comment accéder à la culture sans lire ni entendre ?????
Merci à toutes à toutes, merci merci…
Bonjour à toutes,
je ne sais plus qui parlait du documentaire de Nicolas Philibert mais pour celles qui ont Canalsat’, il passe sur Planète (canal 60) lundi 24 mars à 20h45.
Merci pour tous ces émouvants témoignages …
Merci @Broutilles pour ce témoignage plein d’émotion et plein d’espoir. À l’heure où je porte la vie en moi depuis 5 mois, je ne peux m’empêcher de penser à la douleur des parents et de Lucile face à cet handicap. Mais je pense également à la grande fierté des parents au prix d’efforts monstres. Je suis très très émue, très touchée par ton histoire.
Il m’arrive très souvent d’imaginer comment serait ma vie si il me manquait un sens. Et je ne peux m’empêcher d’être terriblement effrayée. Ton témoignage est un témoignage d’amour et d’espoir. Merci encore
J’ai des frissons partout.. C’est émouvant et si bien raconté ! Promis, je penserai à tout ça si je rencontre une personne sourde..
J’avoue que je ne m’étais jamais vraiment posé la question du monde des personnes malentendantes jusqu’à ce qu’une amie m’avoue récemment qu’elle était elle-même sourde…
Je n’en revenais pas.
Jamais je n’aurais pu m’en douter…
Elle lit sur les lèvres. Elle s’exprime parfaitement.C’est bluffant.
Merci pour ce très beau texte Broutilles. Je l’envoie immédiatement à mon amie.
@ CAPUCINE : C’est très juste ce que tu dis à propos des parents, et on nous l’enseigne d’ailleurs en école d’ortho. Le bilan établi par l’orthophoniste lors de la 1ère rencontre avec un enfant est en grande partie construit sur ce que racontent les parents. Et nous nous appuyons continuellement sur ce qu’ils ont à nous dire, c’est très important pour le suivi de l’enfant !
Enfin, je pense que pour en savoir davantage sur l’audition de ta fille, il vaut mieux consulter d’abord ton pédiatre, qui te fera une prescription pour consulter un ORL. Si dans ta région il existe un centre de dépistage d’audition infantile, c’est encore mieux. Parce que d’une part, tu ne pourras consulter un orthophoniste qu’après prescription de ton généraliste également, mais en plus, bien que nous soyons un peu formés sur le sujet, ce n’est pas à nous d’apporter un diagnostic là-dessus… Un orthophoniste ne pourra que te donner son avis et t’orienter vers un ORL. Bon courage en tout cas !!
Anakin ne t’excuse pas. Je rentre tout juste chez moi et je lis tes propos. Ils me touchent. Profondément. Je sais que tu sais ça. J’adhère totalement à ce que tu dis. Ton expérience est belle et enrichissante, porteuse d’espoirs. Ton discours est clair et parfaitement argumenté, j’admire ce que tu es, ce que tu es devenue dans ce monde hostile.
Pardon mais je ne sais plus dans ce flot de commentaires qui a demandé des détails sur le LPC. Anakin, je parle sous ton contrôle :
Le LPC n’est pas une langue. C’est un système de signes qui appuie la lecture labiale (lecture sur les lèvres). Ces signes, on les fait donc tout en parlant. Le LPC permet d’associer des positions de la main et des doigts avec ce qui se passe sur les lèvres. Par exemple, regardez-vous dans une glace et prononcez “fille” puis “frite”. Vous voyez la différence entre les deux sur vos lèvres ? Non ? Ben c’est normal, il n’y en a pas. Le LPC permet donc d’aider à différencier ce genre de choses mais aussi de faire passer tous les petits mots comme “et” “ou” “a” etc qui sont tellement furtifs sur nos lèvres qu’ils passent inaperçus au milieu de notre flot de paroles et qui sont pourtant essentiels à la compréhension.
Le LPC (langage parlé complété) est donc un système de positions de la main, associé à des positions des doigts, eux-mêmes associés à la parole. Ces mouvements se font autour du visage, d’une seule main. Chaque position de la main correspond grosso-modo aux voyelles, les doigts forment les consonnes (je simplifie mais c’est à peu près ça). L’association main-doigts forme donc des phonèmes. Et ce qui est génial dans ce système, c’est que l’on peut coder tous les mots qu’on veut, même ceux qu’on invente, et permet aussi de coder son accent régional ! Par exemple, le mot “lait”, n’est pas prononcé pareil selon qu’on est du sud ou du nord (lè pour les uns, lé pour les autres). Et bien le son L va être codé pareil par tous, mais le é ou è est différencié par la position de notre main autour de notre visage !
Cela peut paraître compliqué comme ça, mais en fait, c’est hyper simple. On peut apprendre à coder en 3 jours, c’est ensuite la pratique qui nous fait acquérir la fluidité.
Anakin, j’ai bien expliqué ?
Merci à Miaou et lilobille !
@ Ségolène : cette phrase de Nietzsche, mon prof de français nous l’avait dite en troisième… je l’avais retenue instantanément, tellement elle m’avait interpellé ! Mais celle que j’ai retenue entre toutes, c’est celle-là :
«Tu dois devenir l’homme que tu es. Fais ce que toi seul peux faire. Deviens sans cesse celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi-même.» Ainsi parlait Zarathoustra
@ funambuline : le cas que tu me cites ne m’étonne pas… ça arrive plus souvent qu’on ne croit. Alors, c’est vrai que j’ai pensé la même chose qu’elle pendant un temps… mais je ne suis jamais passé à l’acte, d’abord parce que le LPC était vraiment mon « noyau », le système de communication le plus confortable pour moi, alors que la LSF, c’était vraiment une langue à part. Tous mes amis sourds étaient LPC, pas LSF. Et surtout, ma langue maternelle c’était vraiment le français et pas autre chose, il n’était pas question de l’abandonner. Ensuite, parce qu’en soi, je ne rejetais pas en bloc le « monde des entendants » comme on dit. Au fond, j’avais bien compris que ce qui me mettait tellement en rogne, ce n’était pas tant les gens en soi que toute cette montagne de préjugés qu’ils avaient contre les sourds… et que c’était surtout ça, ces préjugés et leur méconnaissance de la surdité, qui rendaient l’intégration tellement dure.
Un truc qui m’agace immensément par exemple, c’est que les gens assimilent presque automatiquement surdité et mutité, surdité et retard mental, ou surdité et asociabilité. Comme la surdité est un handicap « invisible », les gens ne se rendent vraiment pas compte des conséquences psychologiques que ça peut avoir… par exemple, une conversation en groupe, le soir : pour les entendants, c’est un p’tit délire, et en même temps un moment d’intimité, où chacun dit un peu ce qui lui passe par la tête, sans faire gaffe à ce qu’il dit. Et finalement ce qui se dit n’est pas tellement important, ce qui compte c’est l’atmosphère. Or, un sourd, là-dedans, qu’est ce qui se passe pour lui ? Il ne comprend pas trop, car c’est épuisant d’essayer de suivre ce que dit tout le monde. Alors, il demande de quoi on parle. En général, dans ce cas, les gens disent « oh rien, des conneries… ». Et ça, c’est super énervant. Parce que le fait de ne pas répéter pour le sourd, même si ce qui a été dit paraît totalement débile, ça l’exclut de la conversation, mais aussi et surtout de l’atmosphère : il n’est pas « dans l’ambiance » il n’est pas dans le petit délire, il reste spectateur. Du coup il ne peut rien faire : s’il insiste pour qu’on répète, il va casser l’ambiance et énerver les autres; s’il ne dit rien, c’est lui-même qui s’énerve tout seul, à cause de la frustration de ne pas comprendre et la sensation grandissante de « passer à côté » de ce moment d’intimité, où chacun sait que se font vraiment les liens entre les gens. Et des moments comme ça, y en a souvent… Alors après ça, je comprends qu’il y en ait qui pètent un câble, qui en aient marre d’encaisser, de se taire, de passer pour quelqu’un de con ou de dédaigneux parce qu’ils sont toujours « à part », « à la masse », et de perdre de belles opportunités relationnelles à cause de ça. Et qu’ils finissent par aller dans une communauté sourde où au moins ils sont sûrs de faire réellement partie d’un groupe, d’avoir des amis avec qui parler vraiment sans se faire virer sous prétexte qu’ils comprennent rien… donc je comprends la fille dont tu as parlé.
Et, quand je rencontre des sourds LSF, je peux donc comprendre leur rejet du monde entendant, en partie. Je peux aussi comprendre qu’ils aiment leur langue, il y a une certaine théâtralité et un côté ludique, convivial dans les signes. Mais je ne comprends pas qu’ils se veuillent « ni Français ni Européen, mais sourd », et qu’ils rejettent le français. C’est bien beau tout ça, mais tout d’abord, y a pas de “pays des sourds”… on est d’abord en France (ou USA ou autre) tout de même, et c’est aberrant de vouloir nier ça. Ensuite du coup, sortis de la communauté LSF, ils sont bien emmerdés car ils ne peuvent ni lire ni écrire ni parler la langue du pays (pour les plus extrémistes) ou simplement, ils peinent à comprendre des entendants tout bêtement parce qu’ils n’ont pas, ou perdu, l’habitude de lire sur les lèvres et de communiquer en oralisant… et du coup ils se referment complètement sur leur communauté et se ferment plein de portes, juste par peur et refus de s’intégrer. Et je trouve ça tout aussi idiot que les entendants bourrés de préjugés, puisqu’au fond c’est la même chose, en sens inverse…
Alors bon, ils ont fait un choix, que je respecte en soi, parce que je sais la difficulté de l’intégration, et aussi que tout le monde n’est pas assez solide pour tenir bon ; mais je n’approuve pas ceux qui s’enferment totalement, et revendiquent la langue des signes comme langue naturelle des sourds, seule vraie langue des sourds, ou autre, et qui disent que les oralistes trahissent la communauté sourde. C’est pour cela que le dialogue est souvent difficile entre les oralistes et les signants : les oralistes cherchent à s’intégrer, les signants à ériger leur différence comme une société à part entière. C’est sur cela que nos positions divergent. Et ça finit assez souvent par bloquer le dialogue, même si l’on peut communiquer, techniquement parlant. Parler la LSF je veux bien, mais pourquoi en faire l’unique langue des sourds ? Une société sourde, je veux bien, mais pourquoi la rendre “fermée”?
Pour moi, la priorité absolue, c’est pouvoir se débrouiller dans le monde où l’on est. Et ce monde est tout de même majoritairement entendant… L’oralisme est conséquemment la meilleure manière d’arriver à s’y démerder à peu près, et d’acquérir de l’autonomie. Et surtout, l’intégration des sourds dans la société permet aussi de la sensibiliser progressivement à ce handicap, et, à terme, de rendre les choses plus faciles pour tous les sourds ! Ca n’apporte rien de rester dans un ghetto à s’observer à travers les barrières et à flipper devant « l’autre » : autant essayer de communiquer au lieu de s’éviter. L’ouverture au monde est toujours plus féconde que la fermeture. Evidemment, y a des cons partout, chez les entendants et chez les sourds… mais qui ne tente rien n’a rien. Et si je m’en suis pris plein la figure de la part de certains, c’est aussi avec des entendants que j’ai noué mes plus belles amitiés.
Par contre, là où c’est vraiment désespérant, c’est du côté des mecs… :( j’vous raconte pas le nombre de râteaux que j’ai pris à cause d’un malentendu, d’un truc que j’avais pas compris, ou d’un type qui voulait pas d’une sourde… et aujourd’hui encore c’est plutôt la galère qu’autre chose… *arf*
houps, c’était encore long… désolée !
Et à Capucine : bon courage pour ta fille… mais si jamais elle a bien des troubles de l’audition, si ça peut te rassurer, grâce à l’implant, la surdité se rééduque mille fois mieux qu’il y a dix ans, et les choses sont nettement moins dures, pour les parents autant que pour l’enfant… pas simples, mais moins dures qu’avant.
Anakin, je ne me lasse pas de te relire. Je voulais juste ajouter que les hommes que tu as rencontrés ne te méritaient pas, c’est pour ça qu’ils sont partis. Tu trouveras un jour ton prince, j’en suis sûre, ton intelligence et ton analyse du monde sont si sensibles !
Capucine, tu as raison de consulter pour ta fille. Il vaut mieux le faire pour rien si tu t’es trompée que de ne pas l’avoir fait si tu as raison. Et en effet, il faut avoir confiance en ton instinct de maman ! Courage ! Si tu te retrouves dans la même situation que ma soeur, si tu as envie d’en parler, Hélène saura nous mettre en contact par e-mail.
Oliviachanteuse, la cécité est un “monde” que je ne connais pas du tout, mais je peux comprendre, je pense, les difficultés rencontrées par les parents de ton neuveu. Courage à eux aussi. Et puis tiens, je ne l’ai pas précisé, mais Lucile a aussi une petite soeur, qui n’a aucun problème d’audition !
Globulita, ton expérience est drôle, mais elle montre aussi que tu as su trouver un moyen de communiquer, que tu as su être accessible pour ton interlocutrice, sans détours, et ça, c’est beau !
Ah voilà, j’ai retrouvé : c’est misslillie qui avait parlé de son prof’ qui prend les sourds pour des débiles… Envoie-lui toute mon amitié, à ce cher homme !
Merci pour vos marques de soutiens et à Anakin pour son témoignage
Je ne vous lis que ce matin, hier j’ai eu une journée très occupée et je voulais lire vos commentaires sur ce sujet particulier, en prenant le temps, pas à la va-vite.
Brotuilles merci à toi de partager avec nous et de donner ainsi la parole à celles qui vivent ce genre de choses, aussi.
Je suis extrêmement touchée par tous vos commentaiers, et Anakin, je voudrais t’accueillir mieux, après avoir tout lu cette fois.
Merci à vous le filles, vous me touchez beaucoup.
Merci beaucoup anakin de m’avoir répondu, c’est vraiment intéressant cette différenciation. Pour l’instant, je n’ai cotôyé que des personnes utilisant l’oralité ou la LSF, je n’ai jamais vu/entendu de LPC (peut-être est-ce moins courant en Suisse?).
Ce que je trouve intéressant aussi, au fil des commentaires, c’est que finalement la majorité des gens, un jour ou l’autre, vont côtoyer une personne sourde ou malentendante. Et je trouve que les “bases” de communication (parler bien en face, sans se cacher la bouche, en articulant la moindre et en prenant le temps d’écouter sans couper la parole… bref) devraient être apprises à l’école, en expliquant ce qu’implique ce handicap invisible. C’est la seule manière pour qu’ensuite les sourds ne soient plus dans la case “débiles” !!!
@ Broutilles : yep yep c’est tout à fait ça pour le LPC, pas de souci :) de toute façon je ne suis pas non plus LA référence en la matière arf… L’une des grandes qualités du LPC c’est effectivement de pouvoir s’adapter intégralement aux sons prononcés. Il y a aussi le fait qu’avec la pratique chacun développe une manière bien à lui de coder, qui reflète visuellement ce qu’un entendant peut saisir dans sa voix (par le ton, le timbre, la substance de l’élocution), et qui varie avec ses humeurs ou son état d’esprit du moment. Du coup, le seul acte physique de coder est très riche d’informations pour le sourd qui écoute :) Je parie que Lucile devine si sa mère est contente, triste, fatiguée, en colère ou autre, au seul rythme de son code ! Quand j’étais en primaire, je disais parfois à ma codeuse, en voyant sa manière de coder : “t’aimes pas non plus les maths, hein?” Elle me regardait avec stupeur, puis on s’écroulait de rire… héhé
pour ce qui est des hommes euh… tu me fais rougir ^^ j’ai aussi des défauts, hein… comme tout le monde! M’enfin, espérons que ta prédiction se réalisera… si possible avant que je ne sois centenaire ^^
@Capucine : j’abonde dans le sens de broutilles… et pareil, si jamais tu as envie d’en parler ou de me poser des questions, y a pas de souci pour se mettre en contact.
@Globulita : encore pareil que broutilles, ce qui est super, c’est d’avoir essayé de communiquer malgré la difficulté ! il y a toujours des approximations et des malentendus, mais il suffit d’en rire et ça passe très bien… ^^ souvent, c’est même comme ça que l’ambiance se détend hihi… ce qui compte c’est de ne pas bloquer dessus !
Et puis surtout, merci à Hélène pour avoir publié le témoignage de broutilles ^^ ça faisait super longtemps que je suivais ce blog (1 an par là – sisi!) en me disant “merde alors, j’aimerais bien aller au moins une fois à une troc party / make-up party … mais je voudrais pas non plus mettre les filles mal à l’aise….” et au vu des comms y’a de l’espoir… :D
@ Funambuline : chuis d’accord avec toi! ^^ arf… tu sais, ça a déjà commencé en quelque sorte en France, vu que les sourds LPC sont majoritairement en intégration avec codeur, la présence du codeur entraîne logiquement une information des élèves et des professeurs, et leur sensibilisation progressive et solide tout au long de l’année. C’est lorsque j’avais un codeur en classe que j’ai vu le plus de camarades de classe apprendre à coder et venir poser des questions sur la surdité, à moi ou à la codeuse. Logique, lorsqu’on ne voit pas un handicap et qu’il n’y a personne pour faire l’intermédiaire si besoin, entre le sourd et un entendant, c’est plus difficile pour ce dernier de franchir le pas…
Ce genre d’action et d’intégration se fait toujours sur le long terme. C’est parfois frustrant de lenteur, mais ça finit toujours par payer, avec du temps, de l’effort et de la persévérance… J’étais le premier élève sourd de la prépa où j’étais; deux ans plus tard, rassuré sur ce cas de figure, l’établissement a accepté d’en scolariser deux autres, l’une au collège, l’autre au lycée, et ça c’est très bien passé :) comme quoi, une chose en entraîne une autre…
Anakin, je serai ravie que tu sois des nôtres à la prochaine MUP ou soirée troc, surtout n’hésite pas, vraiment ! (en plus j’adore ton pseudo ;-))
@ Broutilles : Hier ton texte m’a beaucoup touchée, je le relis ce matin, et il me fait le même effet, ainsi que tous les autres témoignages dans les commentaires.
Je souhaite une très belle vie à Lucile et à toute ta si jolie famille. L’amour est l’engrais qui fait pousser de bien belles plantes
@ Anakin : Bravo pour toutes ces victoires dans ta vie.
Et concernant les trocs et MUP, je ne pense pas que tu ais à t’en faire quant aux réactions des autres facholandiennes ;-))
Hello les filles,
Il y a 6 mois, avec mon mari, on a commencé à s’appercevoir que votre fille de 5 ans (à l’époque) se mettait un peu “à l’écart”. En fait, c’est plus précisément mes beaux-parents qui l’ont eue pendant 10 jours de vacances scolaires qui nous ont fait la remarque (^télé plus forte, des “qu’est-ce que tu as dit” à tout va, elle ne se retournait pas qu’on appelait et qu’elle était en train de jouer avec son frère et ses cousins…). Quand on est venus la chercher, on s’est rendu compte aussi, et nous avons décidé de consulter un ORL. Mais on était sceptiques et “déroutés”, comment on n’a rien vu venir?? la maitresse n’a rien vu non plus??? (elle est en grande section de maternelle).
Après des examens et des analyses, il s’est avéré que ses otites séreuses à répétition l’aient fait perdre près de 40% d’audition sur les 2 oreilles. Tu m’étonnes!!! On était “effondrés” avec mon mari, surtout de ne tien avoir vu venir. Elle a certainement trouvé le moyen de nous “bluffer”…
Nous avons commencé un traitement pour fluidifier ce qu’il y avait derrière les tympans, première étape… La semaine dernière elle s’est faite opérer pour elever le reste du liquide + végétations, 2è étape.
La semaine prochaine elle refait un test d’audition pour voir si les tympans sont intacts, si elle a récupéré un peu, tout ou rien au niveau de l’audition.
40% c’est pas “beaucoup”, mais c’est handicapant pour une entrée en CP en semptembre. Donc ça va aller très vite.
Je croise les doigts pour qu’elle ait tout récupéré…
Bisous
Merci Broutilles d’avoir publié ce texte. Purée, ce que je me sens mieux d’en avoir “parlé”. Ca m’a fait un bien fou et si j’ai besoin je demanderai à Hélène tes coordonées. MERCI encore, vraiment.
Anakin, ce que tu dis me réconfortes vraiment, même si je pense que tu as du en voir de toutes les couleurs et que la société “entendante” doit vraiment être pénible parfois. Si j’ai besoin de renseignements pour ma fille je demanderai également tes coordonées à Hélène.
MERCI Anakin de ton témoignage.
Et enfin, Merci Hélène, c’est quand même le seul blog (OK ! J’en lis pas des dizaines non plus…) où l’on passe d’un sujet léger à un autre moins facile à appréhender. Mais qu’est ce que ça fait du bien, c’est aussi ça la VIE.
Nicole je croise aussi les doigts pour ta fille, ainsi que pour la tienne Capucine.
Et je suis heureuse, Capucine, que les différents aspects de mon blog te plaisent, je tiens beaucoup à cette diversité ;-) (et c’est beaucoup grâce aux billets de cette rubrique qu’elle est vraiment présente – la diversité j’entends – parce que perso je n’ai pas tous les jours des trucs passionnantsou profonds à raconter ;-)
C’est très émouvant…
Etant moi même sourde à 50% et appareillée (je n’ai que 28 ans pourtant), ce témoignage est terriblement réaliste et il est vrai que dans notre société actuelle, quand on dit qu’on est sourd ça fait rigoler. Surtout quand on est jeune. Je suis devenue “mi sourde” à l’âge de 14 ans, en pleine adolescence.
Mes parents et mon entourage me disputaient car j’écoutais la télé trop fort….Le temps d’accepter mon handicap et je me suis fait appareillée à 21 ans. Les appareils auditifs sont une véritable chance dans mon cas, mais hélas la sécu ne suit pas et rembourse très mal. Par exemple mes appareils coûtent 1500 euros chacun et ont une durée de vie de 5 à 7 ans en moyenne. La sécu vous rembourse par appareil 130 euros… Ca fait réfléchir n’est-ce pas ? pourtant la surdité est un handicap comparable à la perte de vue, alors pourquoi les remboursements sont si faibles ? Je suis tellement reconnaissante que mes parents ont pu m’appareiller, comment font les gens sourds et démunis ??? et bien je pense qu’ils sombrent dans l’isolement…. A méditer…
Adeline sois la bienvenue, et merci pour ton commentaire !
Tous vos témoignages sont très touchants, merci de nous les avoir accordé.
Je suis sciée par différents points, notamment la force de caractère et les capacités d’adaptation, ou de bluff des enfants.
Ma mère a perdu brusquement l’ouie d’une oreille il y a quelques années et effectivement il a fallut que l’on s’adapte. Notamment à parler fort, ou à répéter si elle n’a pas entendu. On évite la musique pendant les repas, on lui parle en face, inconsciemment elle a appris à lire sur les lèvres, quand elle nous tourne le dos, et que l’on veut lui parler, on lui tapote l’épaule. Parfois, on arrive à des situations cocasses, car elle a toujours eu tendance à ne pas répondre alors qu’elle a entendu et ça ne lui plait pas que l’on répète parce qu’elle a l’impression qu’on la presse.
Anakin, j’ai regardé des vidéos de LPC sur internet parce que ça m’intriguait et j’avoue que passer de deux codeuses (au début je pensais que c’était des machines…) à l’intégration sauvage, chapeau.
Bon courage à chacune d’entre vous, à tous les enfants et à leurs familles évoqués ici.
Quelle belle série de témoignages!! je souhaite bon courage à toutes celles qui sont confrontées (ou pensent qu’elles le seront) à un handicap quel qu’il soit!
c’est cool de pouvoir parler de ce genre de choses sur ton blog de filles Hélène;)
je veux être orthophoniste depuis presque trois ans , je passe le concours pour la troisième fois en mai…. et ton témoignage Broutille, ainsi que les autres, en ont rajouté à ma motivation!
bon courage à Lucile et à ses parents, et toutes les autres!
Très beau témoignage. J’ai moi-même dans mon année ( Terminal en France – Rhéto en Belgique) un sourd appareillé. Il parle mais difficilement et lit sur les lèvres. Mais il faut souvent répéter. Il entend quand il n’y a pas de brouhaha et que l’on parle clairement.
Parfois, on n’y pense pas. On parle de biais, on n’articule pas spécialement, ou tout simplement dans une conversation en plus grand groupe, il se retrouve exclu sans que l’on s’en rende compte. Néanmoins, il suit une scolarité à 100% normale dans le général et a de bons résultats.
Grâce aux progrès de la science et surtout aux efforts de l’entourage, des médecins, orthophonistes, et du sourd lui-même, la vie avec l’handicap devient possible. Mais il ne faut pas oublier que cela reste un effort et que tant qu’on le peut, il faut y participer.
Voilà… j’ai passé la soirée à appuyer sur F5 pour voir si tu viendrais, ma tendre petite soeur chérie. De grosses larmes masquent maintenant mon écran, c’est malin, je renifle comme un furet (quoi, ça renifle pas un furet ?).
Hélène, jamais je ne te remercierai assez. Et vous toutes aussi, toutes autant que vous êtes pour avoir manifesté tant et tant de choses à la suite de ce billet, écrit d’un trait un soir comme ça, et que je ne soupçonnais pas déclencher autant d’émotions et de sensibilité.
Je sèche mes larmes. La vie est belle.
Je vous lis depuis hier…elle m’avait dit …”Vas voir là bas sur ce blog..” sans rien préciser…j’y suis allée sans rien attendre et j’ai pleuré toute la soirée devant le témoignage de Broutilles et vos commentaires…j’avais devant les yeux mon histoire, et celle de notre petite fille. Je suis donc la maman de Lucile. Que vos réactions font du bien ! Que les témoignages d’Anakin me réchauffent le coeur, me conforte dans notre choix…oui la découverte de la surdité de notre lucile a été un choc, un silence jeté en pleine figure, 14 mois de petits secrets, de mots doux, d’explication de contines, d’éclats de rire partis en fumée…la sensation qu’un mur immense et transparent se dressait tout à coup entre nous et notre petite fille..je n’ai pu m’empêcher d’hurler dessus, de vomir de douleur…Comment accepter que dans cette famille, où nous aimons tant les mots, les dire, les lire, les écrire, les chanter, les murmurer…Lucile ne les partages pas avec nous? Alors oui, ce choix de l’implant nous l’avons fait avec toute notre force et notre conviction, pour elle, pour qu’elle puisse vivre avec nous, auprès de nous, intégrer notre culture et notre langue, pour pouvoir s’identifier à nous, apprendre, prendre confiance…. et un jour s’envoler de ses propres ailes… Nous l’avons fait pour son indépendance future, pour qu’elle puisse faire ses choix, et garder la maîtrise de sa vie… Sans jamais renier son handicap.
Mais comme je bois tes paroles Anakin..!! et comme ma position de maman s’en voit soulagée, heureuse ! Aujourd’hui Lucile est en classe à l’école du village, elle a une magnifique voix de petite fille…et important pour nous aussi…elle gasconne ! Quelle fierté !!!! Je lutte chaque jour pour qu’elle soit accompagnée en classe, pour qu’on se rappelle que oui, malgré tout, même si cela ne se voit pas…elle est différente…Mais quel bonheur, quel bonheur vraiment que d’avoir une petite fille comme elle…J’ai changé mon regard sur la vie, sur les priorités, l’essentiel…J’ai arrêté de travailler mais comme l’a dit Broutilles ne le vit pas comme un sacrifice…mon épanouissement est ailleurs, dans la joie de vivre qui pétillent dans les yeux ébènes de ma fille…Elle sait qu’elle n’est pas tout à fait comme les autres, elle sait pourquoi, que c’est comme ça, que personne n’y peut rien…voilà. Ma soeur dit “elle a une gravité dans le visage qui n’appartient qu’à elle”, ma mère dit “elle a une maturité, une conscience du social et d’autrui étonnante à 7 ans”…Moi je la trouve aussi d’une grande naïveté, dans ce que l’enfance à de plus beau, parfois ailleurs, décalée… si touchante, si attirante, si fascinante…Nous parlons aujourd’hui de son handicap sans tabous.Reste quelquechose que me trouble tous les soirs…quand je lui enlève son appareil, et qu’elle replonge dans SON silence, absolu…ce néant que jamais je ne connaîtrais…et qui pour toujours me brisera le coeur.
Je voulais aussi te dire Anakin ce que j’ai toujours dit au papa de Lucile..quand Lucile rencontrera un homme, il sera forcément quelqu’un de bien. Ce sera pareil pour toi. C’est sûr.
Je voulais te dire, ma grande soeur, que ton initiative me touche terriblement, que je sais ton amour pour nous…mais que c’est si bon de lire !!!
Petite Broutilles (que pseudo poétique et charmant ;-) sois la bienvenue ! Merci d’avoir répondu, avec Broutilles, à tous ces commentaires, tout ça m’émeut beaucoup et me fait très chaud au coeur.
C’est vous que je remercie, c’est vous qui apportez tout ça à ce blog.
Quelle jolie famille.
Quel joli blog qui par écran interposé permet à deux soeurs de s’exprimer tous ces sentiments…
snif :-)
Oui moi aussi je suis assez estomaquée par la qualité du lien familial, funambuline !
Magnifique témoignage en effet… et qui met les larmes aux yeux.
Lucile et une de mes filles ont le même âge… c’est peut-être aussi pour ça que ça me touche autant.
Une de mes cousines est sourde, et j’essaye à chaque rencontre de penser à lui parler bien en face, etc. J’y penserai désormais davantage encore.
Je souhaite une vie merveilleuse à la jeune demoiselle Lucile si bien entourée, et respect pour ses proches et surtout toi, Petite Broutilles, pour les choix de vie que tu as faits.
Petite info, je suis interprète en langue des signes, et oui, ce témoignage est beau, mais la langue des signes est belle aussi, et il faut arrêter de croire que les personnes sourdes signantes sont des personnes isolées, j’en connais beaucoup et ils sont très fiers de leur culture, de leur histoire, et de leur langue, et ne sont pas isolées du tout. De plus, désormais, grâce aux classes bilingues, il y a de plus en plus de sourds signants qui accèdent aux études supérieurs. Il faut savoir que la langue des signes a été interdite en France de 1880 à 1991, c’est la raison pour laquelle il y a peu de sourds -et d’entendants- en France qui signent.. Personnellement, je trouve cela dommage, car si elle était reconnue, la question de parents entendants face à un enfant sourd, serait peut-être davantage une réflexion entre le choix d’une langue (on dit langue et non “langage” des signes) et d’une opération. Maintenant, chaque choix est respectable, et le plus important est bien sûr la langue dans laquelle l’enfant s’épanouit le mieux.